Annexe:Graphies picardes

Définition, traduction, prononciation, anagramme et synonyme sur le dictionnaire libre Wiktionnaire.
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Voir « Graphie picarde » sur Wikiversité.

La variation linguistique est inhérente à toutes les langues. Alors se pose le problème de trouver le moyen d'écrire pour que tous les locuteurs se reconnaissent à travers leur langue. Pour ce faire, plusieurs graphies picardes ont été utilisées qui tentent de représenter les prononciations (variation dialectale) des différentes régions. À cette polygraphie, on peut également ajouter les graphies personnelles choisies par certains écrivains.

Des tentatives ont été faites pour produire une orthographe uniformisante du picard mais une réduction de la variation est difficile car relativement forte entre les régions.

On a donc utilisé au cours du temps des graphies phono-graphiques, des graphies phonétiques, des graphies supra-dialectales, des graphies phonético-analogiques, ...

  • graphies phonético-analogiques (Feller-Carton)
  • graphies phonétiques (René Debrie, Michel Lefèvre)
  • graphies supra-dialectales (André Lévêque, Jean-Marie Braillon)


Graphies Feller-Carton[modifier le wikicode]

Pour le choix d’une graphie unitaire (mais non uniformisante) en picard, on utilise depuis les années 1960, au moins parmi les universitaires, la graphie dite « Feller-Carton » (adaptation au picard, par le professeur Fernand Carton (1921-2019), de la graphie du wallon mise au point par Jules Feller).

Pour ce faire, Carton a fait 15 propositions basées sur deux priorités :

  • rester proche de la graphie française,
  • être au plus près de la phonétique du picard.
Voyelles
a â æ ai an, am au å
/a/, /ɑ/ /a:/, /ɑ:/ /e/ /ɛ/, /e/ /ɑ̃/ /o/ /ɑ/
e ê é eau én, ém eu è
/ə/, /e/, /ɛ/ /e:/, /ɛ:/ /e/ /o/ /œ̃/ /œ/, /ø/ /ɛ/
i î in, im ï
/i/, /j/ /i:/ /ɛ̃/ /j/
o ô œ œu oi on, om ou
/ɔ/, /o/ /ɔ:/, /o:/ /e/ /œ/, /ø/ /wa/ /ɔ̃/ /u/, /w/
u û
/y/, /ɥ/ /y:/
y ŷ
/i/, /j/ /i:/
  • Les lettres a, é, è, eu, i, o, u, ou ont la même prononciation qu'en français.
  • Pour le son o, on peut utiliser les groupes de lettres au et eau pour rester proche des mots français
autsu (au-dessus), un bieau catieau (un beau château) , caud (chaud) , etc
  • La lettre e dans un mot, quand il est muet, peut être remplacé par une apostrophe dans le mot.
bètemint ou bèt'mint (bêtement)
  • Les groupes -er et -ez peuvent être utilisés à la fin des verbes, conjugués ou non.
canter (chanter), os vos incrintchez (vous vous accrochez)
  • Les diphtongues du picard peuvent s'écrire au, eu, ai, ew, aw, ay , euy, , , oai, oin.
capiau (chapeau), catieu (château), laicher (laisser), fèw (faux), iaw (eau), défulay (décoiffé), coteûy (côté), t'avoés (tu avais), parfwère (parfaire), l'moaison (la maison), boin.ne (bonne)
  • Les nasales sont: an , am , in , im , én , ém , on , om .
Parfois on utilise une graphie avec un point disjonctif pour marquer les nasales:
glin.ne ([glɛ̃n]) (fr: poule) , pron.ne ([prõn]) (fr: prune)
Consonnes
b c ç ch d f g gn gu h j k l
[b]
[k], [s]
[s]
[ʃ]
[d]
[f]
[g], [ʒ]
[ɲ]
[g]
*
[ʒ]
[k]
[l]
m n ng p q qu r, rh s ss t v w z
[m]
[n]
[ŋg]
[p]
[k]
[k], [kw]
[ʁ]
[s], [z]
[s]
[t]
[v]
[w]
[z]
  • c se prononce [s] seulement devant e, i, y;
  • g se prononce [ʒ] seulement devant e, i, y;
  • s se prononce [z] entre deux voyelles et se prononce [s] dans les autres cas;
  • en général, les c, d, g, p, r, s, t, x et z à la fin des mots ne se prononcent pas, sauf pour faire une liaison.
  • k est utilisé pour les sons [k] comme dans fisike (physique), kère (tomber)

mais on écrit qu pour les mots grammaticaux:

quo qu'i dit? (que dit-il?), quèque (quelque), Queu babèle qu'ale o ! (Quel bagout elle a !)
  • on n'écrit pas ph mais on écrit un f:
foto (photo) , démografie (démographie) , apostrofe (apostrophe) , etc
  • on n'écrit pas th mais
téïate (théatre) , téolodjie (théologie) , tèse (thèse) , matématikes (mathématiques), etc
  • pour x dans un mot, on écrit de préférence gz , cs  :
ègzimpe ou exampe (exemple) , ficsé ou fiské (fixé) , éxistince, éxactémint, etc
  • pour x à la fin d'un mot, on écrit de préférence s  :
deus (deux), faus (faux), ureus ou éreus (heureux), malureus (malheureux), ...
  • on n'écrit pas -tion mais -cion
punicion (punition) , nacionnal (national), ... etc
  • mettre un h seulement s'il est aspiré
un onme (un homme) , l'eure (l’heure) , l'ortillon (l'hortillon) , ...

mais

un hantar (un manche de faux) , la heute (la houe) , un hansard (un couperet) , un hôbe (un épervier) , ech héquet (la barrière) , le hernu (l'orage) , in heut/in haut (en haut), hin! (interj hein!), ...
  • on écrit corale pour chorale , Crisse pour Christ , ...
voir

Vers une standardisation du picard[modifier le wikicode]

L' Agince d'el région pour el langue picarde a mis en place une Commission de néologie et de terminologie pour proposer une graphie standard du picard basée sur les principes de la graphie Feller-Carton et sur le choix de variantes dialectales pour aller vers un « picard de référence ». (cf: Alain Dawson et Liudmila Smirnova, Dictionnaire fondamental français-picard, Agince d'el région pour el langue picarde, (2020), p 14)

Ce picard de référence est surtout basé sur les prononciations du picard en usage à Arras en tant que position centrale dans le domaine picard.

Graphies phonétiques[modifier le wikicode]

texte d'Édouard PARIS graphie Feller-Carton français
é pi kan l' pleuv al é kyeut, ék ché rivièr iz on débordè, ké ch' vin ô souflè pi k' il é vnu s' abat édsu l' mouézon lô, a n' é pouin kyeut, pach k' al étoué bâti su dé l' pièr. et pi quant l'pleuve al est kieue, éq chés rivières is ont débordé, qué ch'vint o souflè pi qu’il est vnu s'abate édsu l'moaison lo, a n'est pouin kieue, pasqué al étoué batie su deul pière. et puis quand la pluie est tombée, que les rivières ont débordé, que le vent a soufflé et qu’il est venu abattre sur cette maison là, elle n’est pas tombée, parce qu'elle était bâtie sur de la pierre.

On passe de l'écriture phonétique (transcription directe des sons) à l'écriture Feller-Carton en ajoutant des couches idéographiques telles que le s du pluriel, le e du féminin, des lettres muettes pour se rapprocher de la graphie du français, etc ...:

ché rivièr → chés rivières avec s pour marquer le pluriel et e muet pour se rapprocher du français
pour se rapprocher du français: ch' vin → ch'vint ; kan → quant ; pièr → pière ; k' il é vnu → qu’il est vnu ...


Graphies supra-dialectales[modifier le wikicode]

  • André Lévèque puis Jean-Marie Braillon ont proposé une écriture supra-dialectale basée sur l’utilisation de quelques archigraphèmes à lectures multiples.
dans ce système, on utilise par exemple les digrammes qh , gh et lh :
qh dans qhère (tomber en français) pour lire en picard du nord kère ou en picard du sud tchère.
gh dans ghife (visage en français) pour lire guife (nord) ou bien djife (sud).
lh dans balher (bailler ou donner en français) pour lire en picard baller, bailler, ballier ou bayer. Ceci correspond aux prononciations entre [l], [lj] et [j].
cornalhe éd cloqhé se lira : Cornaille éd clotché (sud) ou Cornale éd cloké (nord).
autre exemple, le verbe j'étais en français va se prononcer en picard suivant les régions : j'éto, j'éteu, j'étois, j'étoués, j'étoais, j'étoui, etc. Pour décrire ces variantes, le graphème a été choisi pour représenter ces différentes prononciations.
exemple d'écriture supra-dialectale (extrait du journal Urchon-Pico de Jean-Marie Braillon, numéro 360, méi 2022) :
à Manmòzhéle K. Prichieusse :
Éj vos conprint bin quanqu’vos ‘m dizhez qu’ vos volez dénicher ‘l òzhioe rale,
més qu’ vos volez pònt qhére dzeur ein bracq qu’i vos rint malureusse.
Acoutez m-më, màriez sins crinte él bérnathié, qu’ vos ‘m ez pèrlèi ‘d li,
chti-là i srå oblijièi ‘d vos fére ein-ne vie 'd anjhe
 !

Liste approximative des dialectes picards[modifier le wikicode]

  • en Picardie : Amiénois, Beauvaisis, Vermandois, Vimeu ;
  • en Nord-Pas de Calais : Lille, région lilloise (Roubaix, Tourcoing et environs), Valenciennois, Audomarois, Boulonnais, « chti » ;
  • en Belgique : Tournai, Mons-Borinage, Pays des Collines, Comines-Warneton et Mouscron.

On peut ajouter à cette liste, les dialectes de transition comme le Wallo-picard.

Références[modifier le wikicode]

  • Alain DAWSON, « Le picard : langue polynomique, langue polygraphique ? » in « Les Langues de France et leur codification. Ecrits divers - Ecrits ouverts », Colloque organisé par l’INALCO - 29-31 mai 2000
  • Alain DAWSON, Le picard est-il bienvenu chez les Chtis ? / Identité(s) régionale(s), marketing et conscience linguistique dans le Nord de la France , in
Cahiers de l’Observatoire des pratiques linguistiques, n° 3, p 41, Langues de France, langues en danger : aménagement et rôle des linguistes, Lyon, les 22 et 23 janvier 2010

Voir aussi[modifier le wikicode]

Liens externes[modifier le wikicode]